Tout savoir sur la réserve de Biosphère la Hotte, où se trouve l’aire Protégée Grand-Bois achetée par la Société Audubon d’Haïti, en partenariat avec Haïti National Trust
Origine et définition des réserves de biosphère
Les réserves de biosphères remontent à la conférence sur la biosphère organisée par l’UNESCO en 1968. C’est la première conférence intergouvernementale où a été abordée la question suivante : ‹‹ Comment concilier la conservation des ressources naturelles et leur utilisation ? ››.
Les réserves de biosphère sont des zones écosystèmes terrestres ou côtières où l’on privilégie les solutions permettant de concilier la conservation de la biodiversité et son utilisation durable. Elles sont proposées par les gouvernements nationaux pour désignation en tant que réserve de biosphère, font donc l’objet d’une reconnaissance internationale tout en demeurant sous la juridiction souveraine de l’État dans lequel elles sont situées.
Fonction des réserves de biosphères
- Fonction de conservation: pour contribuer à la protection des écosystèmes
- Fonction de développement: pour favoriser un développement économique et humain durable, du point de vue socioculturel et écologique.
- Fonction logistique : pour fournir un soutien à la recherche, à la surveillance continue, à l’éducation et à l’échange d’information.
LA RÉSERVE DE BIOSPHÈRE LA HOTTE (localisation)
La réserve de biosphère se trouve dans la péninsule du sud de la République d’Haïti. Elle occupe une superficie totale de 435,193.540 ha pour une population d’environ 855 000 habitants. Cette réserve de biosphère est répartie sur 30 communes de trois départements qui sont :
- Département de Nippes qui comprend : Baradères, Grand-Boucan, Petit-Trou de Nippes.
- Département de la Grand’Anse qui comprend : Corail, Beaumont, Roseaux, Pestel, Jérémie, Abricots, Bonbon, Moron, Les Irois.
- Département du Sud qui comprend : Aquin, Cavaillon, Chardonnières Tiburon, Les Anglais, Saint-Louis-du-Sud, Côteaux, Roche-à-Bateau, Port-à-Piment, Camp-Perrin, Les Cayes, Maniche, Ile à Vache, Torbeck, Port-Salut, Arniquet, Saint-Jean-du-Sud, Chantal
LA RÉSERVE DE BIOSPHÈRE LA HOTTE (unités)
La réserve de Biosphère la Hotte contient 13 unités ayant le statut d’aires protégées : Trois étangs, Ile à Vache, Oliviers – Zanglais, Grosse Caye – Aquin, Plaine la Cahouane, Fonds des Cayes, Pointe Abacou, Grotte Marie Jeanne, Macaya, Deux Mamelles, Grand Bois, Anse d’Azur, Complexe Barradères Cayemittes.
L’aire (les aires) centrale(s) comprend (comprennent) un écosystème strictement protégé qui contribue à la conservation des paysages, des écosystèmes, des espèces et de la variation génétique.
La réserve de biosphère la Hotte fait partie du patrimoine matériel et immatériel d’Haïti et du développement durable. C’est la rencontre de la biodiversité mondiale, elle contient des espèces d’amphibiens endémiques, des conifères, des récifs coralliens, des mammifères et des espèces d’oiseaux et de poissons endémiques.
Il est donc nécessaire de créer un cadre stratégique permettant l’implantation d’activités de développement durable au profit des communautés locales en vue de réduire leurs pressions sur les ressources naturelles. Il faut aussi appuyer les autorités locales et les organisations militantes dans la protection des écosystèmes d’Haïti.
La vente de Grand-Bois, un des noyaux des aires protégées est-il légal ?
Le Groupe Ecovert Haïti a appris à travers le quotidien Le Nouvelliste-40771, du samedi 2, et du dimanche 3 février 2019 qu’Haïti National Trust a acheté en partenariat avec la Société Audubon Haïti, le site de Grand-Bois pour créer une première réserve naturelle privée à l’intérieur d’une réserve de biosphère déjà proposée par l’État et reconnue par l’UNESCO.
Cette nouvelle nous a beaucoup surpris et nous a rapidement poussés à sortir une note de dénonciation.
Mais après cette note, y inclut les différents appels reçus de la part de concernés, Ecovert Haïti estime qu’il est important d’éclairer l’opinion publique sur l’implication cette vente.
D’après le code rural de Dr François en ses articles 182 à 185, les forêts se divisent en deux classes.
La première classe contient les forêts qui protègent les bassins d’alimentation des sources, les crêtes des montagnes, les versants d’une déclivité supérieure à 60 degrés. Ce sont
- Les parcs nationaux et communaux
- Du peuplement d’essences rares ou ceux dont la conservation est recommandée pour leur valeur esthétique
- Le peuplement des mangliers
- L’article 183 précise que toute forêt appartient à l’État sera administré par la MARNDR ou sous son contrôle.
Le Groupe d’intervention écologique d’Haïti (ECOVERT-Haïti) n’a aucun problème avec les groupes qui travaille comme nous dans la protection de la biodiversité. D’ailleurs, pour une organisation qui se donne comme mission de conserver la faune et la flore, c’est une initiative qui doit nous plaire. Mais au regard de la loi, nous ne trouvons pas de provisions légales qui permettent de vendre une aire protégée, située à l’intérieur d’une réserve de Biosphère déjà reconnue par l’État à une Société privée pour la Gestion.
De plus, la zone centrale de Grand-Bois qui présente toutes les caractéristiques précitées dans les articles 182 à 185 du code rural, et qui fait également partie intégrante des 13 unités des aires protégées du Massif de la Hotte reconnu par l’UNESCO, en 2016. La question qui se posait est à savoir pourquoi Grand-Bois n’hérite pas du même statut tout comme Makaya dont le Ministère de l’Environnement est le Gestionnaire privilégié.
En Haïti, les aires protégées sont gérées par l’Agence Nationale des Aires protégées (ANAP) qui est une Direction autonome du Ministère de l’Environnement. L’ANAP fut créée à partir du Décret du 12 octobre 2005 portant sur la Gestion de l’Environnement et de régulation de la conduite des citoyens pour un développement durable. En effet, l’ANAP a pour fonction :
- De créer et de coordonner le système national des aires protégées
- De coordonner la préparation et la mise en œuvre du plan national de Gestion des Aires protégées.
- De protéger la diversité biologique in situ et ex-situ.
- D’élaborer ou d’approuver les plans d’aménagement des aires protégées des catégories relevant de sa juridiction, et suivre leur implantation.
- D’étudier les espèces animales et végétales des catégories d’aires protégées relevant de sa juridiction et de réaliser les inventaires de la Flore et de la faune
- De préserver les aires sous son administration ainsi que celles sous cogestion.
- D’élaborer les règlements d’accès aux aires protégées sous sa juridiction et aux ressources biogénétiques et d’en autoriser l’accès.
- D’intégrer de manières responsables, les populations et les collectivités territoriales dans la gestion des aires protégées sous sa juridiction.
Haïti compte pour le moment une vingtaine d’aires protégées, seulement trois d’entre elles sont protégées, le reste est déclaré, mais non protégé. Il est grand temps de demander des comptes à l’État haïtien même s’il faut traduire l’État en justice, car il n’a pas honoré les engagements pris en matière de développement durable. En aucun cas, l’ANAP n’a pas de prérogative pour concéder une partie d’une réserve de biosphère à des entités privées.
Mission de CIAT
Le CIAT a pour mission de définir la politique du gouvernement en matière d’aménagement du territoire, de protection et de gestion des bassins versants, de gestion de l’eau, de l’assainissement, de l’urbanisme et de l’équipement. Cette institution a été créée en réponse à un constat alarmant, et à la nécessité d’actions cohérentes et coordonnées en matière d’aménagement du territoire.
Ses principales attributions :
- Coordonner et harmoniser les actions du gouvernement
- Assurer la révision du cadre légal, réglementaire et institutionnel de l’aménagement du territoire
- Garantir une répartition des ressources humaines, techniques et financières nécessaires
- Assurer la supervision, le contrôle et le suivi/évaluation des actions en cours sur le terrain
- CIAT n’a pas de provision légale pour vendre ni pour donner son aval à la vente d’une forêt appartenant à l’État…
Nous exigeons donc du Comité interministériel d’Aménagement du Territoire (CIAT), présidé par le premier ministre, et réunissant les Ministères suivants :
- Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT)
- Ministère de l’Économie et des Finances (MEF)
- Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE)
- Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR)
- Ministère des Travaux Publics Transports et Communications (MTPTC)
- Ministère de l’Environnement (MDE)
de donner à la Nation toutes les informations nécessaires sur la vente de cette ressource naturelle. Car, selon le principe 5, les déclarations finales de la conférence des Nations Unies sur l’environnement tenue à Stockholm, du 05 au 16 juin 1972 : les ressources non renouvelables du globe doivent être exploitées de telle façon qu’elles ne risquent pas de s’épuiser et que les avantages retirés de leur utilisation soit partager par toute l’humanité. L’État d’Haïti doit donner des informations, il doit fournir des détails concernant le plan de gestion à établir et les avantages que la population va en tirer de cette vente. Ces espèces endémiques rares utiles à la recherche, de la faune de Grand-Bois, seront-elles conservées au bénéfice réel du pays de manière durable, pour le patrimoine et pour l’expertise nationale, ou seront-elles transportées par la voie de la bio-piraterie ou légale dans des zoos à l’étranger ?
Anel Dorléan
Ecovert-Haiti