Mardi 23 avril 2019, le Conseil de sécurité a consacré un débat aux violences sexuelles en temps de conflits armés. Pour donner plus de poids à cette réunion, l’Allemagne avait invité les deux prix Nobel de la paix 2018, Nadia Murad, le docteur Denis Mukwege, l’avocate Amal Clooney ainsi que Inas Miloud, du Mouvement des femmes Tamazight,
Plusieurs ministres dont Heiko Maas, le Ministre des affaires étrangères allemand dont le pays préside le Conseil de sécurité pour le mois d’avril, participaient à ce débat. Si la résolution a été adoptée par 13 voix pour et deux abstentions : Russie et Chine, elle le fut dans des circonstances qui n’ont pas plu à tout le monde, témoin la prise de parole après vote, du représentant permanent de la France auprès de l’ONU, François Delattre qui d’une voix ferme a déclaré : « cette résolution permet plusieurs avancées importantes, notamment le renforcement du mandat de la Représentante spéciale Madame Patten, la reconnaissance centrée sur les rescapées des violences sexuelles, et la demande du Secrétaire général de produire un rapport sur les enfants nés de viols d’ici à 202. Le représentant français a reconnu que des concessions importantes ont été accordées sous la pression de plusieurs membres permanents, qui n’ont pas permis au texte d’aller aussi loin que la plupart des membres l’auraient souhaité. « Nous déplorons, a-t-il dit, que des menaces de veto aient été agités par des membres permanents pour contester 25 ans d’acquis en faveur du droit des femmes dans des situations de conflits armés. »
« La violence sexuelle continue d’être une caractéristique horrible des conflits dans le monde », a rappelé Antonio Guterres, cependant que Pramilla Patten, la représentante spéciale sur les violences sexuelles en temps de conflit expliquait que malgré toute l’attention et les efforts menés, la mise en œuvre des résolutions, des politiques, des accords et des engagements demeure trop lente. « Nous n’avons pas encore amélioré la situation sur le terrain de manière durable et significative », a-t-elle déclaré. « Si nous voulons un jour empêcher que ces crimes ne se produisent, nous devons d’abord faire face à la réalité inacceptable que cela ne ‘coûte’ en général rien de violer une femme, un enfant ou un homme dans les conflits armés du monde entier. Pour changer les choses, nous devons augmenter les coûts et les conséquences pour ceux qui commettent, commandent ou tolèrent la violence sexuelle dans les conflits. Nous devons transformer une culture de l’impunité vieille de plusieurs siècles en une culture de reddition des comptes. »
Le chef de l’ONU a estimé qu’il fallait reconnaître que la violence sexuelle en temps de conflit affecte largement les femmes et les filles parce qu’elle est étroitement liée à des questions plus larges d’inégalité et de discrimination sexuelles. « La prévention doit donc reposer sur la promotion des droits des femmes et de l’égalité des sexes dans tous les domaines, avant, pendant et après les conflits » et a présenté toute une série de recommandations dans le rapport qu’il a remis au Conseil de sécurité, dans lequel l’accent est mis sur la prévention et sur la nécessité de renforcer la lutte contre l’impunité, en rappelant que la plupart de ces crimes ne sont jamais signalés, ne font l’objet d’aucune enquête et encore moins de poursuites.
« Le langage a un tout petit peu changé, mais c’est le même discours qu’il y a dix ans, » a noté le prix Nobel de la Paix 2018, Denis Mukwege. Et de rappeler qu’il y a dix ans, des membres permanents du Conseil de sécurité ne comprenaient pas pourquoi le sujet des violences faites aux femmes dans les conflits armés, devait être discuté dans l’enceinte du Conseil. « Nous n’avons pas gagné. Ce n’est pas assez de se dire furieux et choqués, » a-t-il ajouté. La lutte est encore rude. » Pour le docteur Mukwege, il faut mettre l’accent sur celui/ceux qui ont commis ces crimes. Toutes les femmes dans le monde devraient avoir le même droit à la réparation. « La femme qui a été violée il y a 75 ans, ressent la même souffrance que la gamine qu’elle était lorsqu’elle avait 12 ans, » car dit-il, il est impossible de construire une démocratie sans justice.
« Ensemble, nous pouvons et devons remplacer l’impunité par la justice, l’indifférence par l’action », avait déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, au début de son discours. L’adoption de cette résolution doit déboucher sur des mesures concrètes. »
- Célhia de Lavarène
- 26 avril 2019