Mon Père a Tué ma Mère… le Jour de Mon Anniversaire !

Mon père a tué ma mère… le jour de mon anniversaire ! Par Jean Willer Marius

  • D’après un tragique événement rapporté par radio vision 2000

Voilà (1) mois et (8) jours que les faits se sont produits, soit le lundi 12 novembre 2018, jour de mon 8e anniversaire, ce qui me vaudra de maudire ce jour-là, mon père et ma mère se sont encore disputés. Non pas à propos de la couleur de la robe que je devrais porter en ce jour ni au sujet du service traiteur qui devrait s’occuper de buffet de mon anniversaire. Mais, au sujet de preuves présumées d’infidélités, découvertes dans la mémoire du téléphone de maman. Sommée de s’expliquer, ma mère se perd en conjectures, ce qui a pour vertu d’exacerber chez mon père, une violence latente. D’autant que, depuis des mois, plus rien n’allait chez nous, car contrairement à la Sogebank, l’université n’honore pas. Ils sont venus naturellement aux mains. Mon père a mortellement battu ma mère au point que le médecin n’a rien pu faire. Avaient-ils seulement pensé à moi ? Devrait-elle être assassinée pour un moment de faiblesse inhérente à sa nature, comme la plupart des hommes aussi ? La société a enterré le dossier, ayant d’autres chats à fouetter, et la vie continue… . Mais, pas la mienne.

Au fait, mon foyer n’a pas été mon seul creuset de violences, dans le quartier, les plus âgées se moquent de moi quand ils ne me tapent pas dessus. Mes plaintes sont prises à la légère, à l’école cela ne va pas mieux, la maîtresse s’arme toujours d’un instrument de torture qui me fait perdre tous mes moyens et dérailler le rythme de mon cœur. Encore serions-nous heureux si elle pouvait seulement nous bastonner et ne pas nous crier dessus comme le directeur le fait avec elle ! et la vie continue… . Mais, pas la mienne.

Quand je vais à l’Église, cherchant un peu d’amour et de réconfort, la directrice de la classe enfantine utilise le temps alloué à notre culte à raconter les commérages de la semaine et à bercer son enfant gâté. Le prédicateur arrive pour nous dire que Jésus va punir tous les enfants turbulents et que les flammes de l’enfer consumeront la jeune pousse insolente. Ouf… fin du sermon.

Alors, je décide de porter plainte. Telle n’a pas été ma surprise que d’apprendre qu’il n’y a dans le système social de mon pays aucune instance qui s’occupe des enfants en danger malgré tous les millions injectés chez nous par l’UNICEF. À court de solutions, je me décide à me tourner vers le premier citoyen de mon pays, car je me suis dit qu’il faudra quand même quelque part que quelqu’un s’occupe de mon cas. Mes lettres autant que mon cas sont demeurés sans réponses. C’est alors que je réalise qu’il est complice, lui aussi, dans la soustraction de son patron à l’hôtel de justice, mettant ainsi en danger l’enfant de la mairesse qui pourrait lui aussi un jour à vivre le même scénario. Mon père a compris qu’il pouvait peut-être, comme tous les bandits, tabasser ma mère et être protégé par les autorités. Triste exemple ! Et la vie continue… mais pas la mienne.

Pourquoi fallut-il que je naisse dans un endroit pareil ? Quand on les entend parler, on dirait que tout va bien. Il est question de nouvelle Haïti, de lutte contre la corruption, de mettre de l’argent dans la poche des citoyens, d’organiser le petro-procès, et la conférence nationale et bla-bla-bla. Mais au fait, que savent-ils des dessous de cette société livrée à elle-même ? Quel est le destin d’une petite fille de ma situation, sinon se prostituer un jour en studio, comme la fille du ministre dénaturé, avilit, mais toujours en poste ? Le DG de la PNH a été récemment au parlement avec des chiens de la brigade de la lutte contre les stupéfiants, les voisins du massacre de la saline avaient eu chaud, mais comme tout dans ce pays, ce n’était que du cinéma, on en rit, on jase et la vie continue… mais pas la mienne.

Je n’ai reçu aucune visite institutionnelle. Aucune prise en charge pour mon petit cerveau tout jeune qui doit absorber ce choc si violent. Dragueurs, violents infidèles, vous savez tous autant que vous avez ruiné ma vie. Qui volera à mon secours pour me rendre justice, me redonner cet avenir que les lois de mon pays n’ont pas su m’assurer ? M’éviter cet orphelinat où l’étranger viendrait me chercher un jour pour… !

L’auteur a bien voulu me prêter sa plume parce qu’il a qualifié Haïti à moult reprises, de pays de canards. Nos sales pratiques, nos enrichissements illicites, nos instincts primaires le hantent dans la honte. Mais, ses dires ne défrayent pas la chronique populaire, car ses propos dérangent. Alors, à quand cette prise de conscience collective dans ce trou perdu ? À quand l’émergence d’un leader propre pour prendre les rênes du pays et s’occuper de tout ce qui doit l’être d’après… ?

Ma famille est détruite à cause de violences conjugales répétées tolérées non jugées. Combien de batteurs de femmes nous dirigent encore aujourd’hui ? Combien de beaux-pères continuent leurs manœuvres perverses avec le silence complice de madame en plus ?

Après une lecture du cri de mon cœur, je suis certaine que vous irez tous bercer vos enfants et leur murmurer à l’oreille que vous les aimez. S’il vous reste encore un peu d’humanité, pouvez-vous penser un seul instant à moi ?

Car vos vies continuent… mais pas la mienne.


collaborration de Jean Willer Marius